
Constance nous partage sa relecture
Le 25 juillet 2018
Chers compagnons,
Les journées défilent ici et ne se ressemblent pas.
Avec un peu de retard voici un écho de ce que nous avons vécu ce mercredi 25 juillet.
Journée un peu plus austère, il faut bien le dire, car plus difficile intellectuellement mais non moins dépourvue d’intérêt. Nous avons partagé notre relecture de la journée, Hervé et moi, et en voici les fruits.
Après avoir reconnu les dons reçus au sein de la CVX, nous être immergés dans le quartier mardi pour être témoin du Kairos, nous avons poursuivi notre démarche de discernement communautaire mercredi en relisant notre histoire commune.
Là aussi le défi est de taille : comment relire l’histoire d’une communauté mondiale s’étendant sur plus de 50 ans alors que la majorité des membres de l’Assemblée est en CVX depuis moins de 20 ans ?
La première proposition que nous avons eu a été d’écouter Magdalena Palencia, qui est Mexicaine, est dans la CVX depuis le début, a été dans plusieurs ExCo mondiales et a toujours bon pied bon œil à 82 ans.
Magdalena nous a fait un récit de l’histoire de la CVX en en racontant ses débuts puis en s’arrêtant brièvement sur les apports de chaque assemblée mondiale.
Elle a commencé en rappelant l’histoire d’Abraham : Dieu établit son alliance avec Abram, lui confirme sa mission en tant que père d’une multitude de nations et lui promet la possession de la Terre. Cette alliance est scellée par un changement de nom : désormais Abram s’appeler Abraham, et commencera alors tout un long chemin où à travers de multiples tribulations sa relation à Dieu s’approfondira. Abraham part de son rêve, avoir une immense famille et la possession de la terre, pour aller à la rencontre d’un Dieu différent de qu’il avait imaginé, qui lui propose des chemins de vie auxquels il ne s’attendait pas. Petit à petit il s’abandonne de plus en plus avec confiance pour parvenir à une liberté plus grande : désormais c’est Dieu qui pourvoira, qui sera centre et tout. Tout cela est repris dans 10 chapitres de la Genèse.
Dans la genèse de la CVX on retrouve aussi une démarche de renoncement à un nom. En effet en 1948 le pape Pie XII invite les Congrégations Mariales à l’introspection. Les congrégations mariales étaient un mouvement âgé de 400 ans, fondées par le jésuite liégeois Jean Leunis, qui réunissaient des petits groupes de laïcs dirigés par un jésuite, mais sans les exercices spirituels et ressemblant davantage à des groupes de prière. Suite à cet appel du Pape les congrégations mariales (et la compagnie de Jésus) se sont mis en route avec courage, passant par des étapes plus ou moins difficiles : se réunir en une fédération mondiale, inscrire les exercices spirituels comme colonne vertébrale de leur spiritualité, et finalement renoncer à ce nom de congrégation mariale pour devenir la CVX en 1967. Les jésuites de leur côté ont renoncé à la direction des équipes pour se mettre à leur service. On imagine bien que tout ça ne s’est pas fait sans heurts et que 19 ans n’étaient pas de trop pour amorcer cette transition. Magdalena a ensuite développé l’histoire de la communauté depuis 1967 en prenant comme point de repère les assemblées mondiales. Elle nomme aussi à plusieurs reprises « les pièges « ou « mouvements de l’esprit du malin » qui souhaite diviser, soulever des doutes, faire peur...Ils ont forcément émaillés l’histoire de la communauté. Par exemple lors des premières années il y a eu des divisions autour des Exercices Spirituels : pour certains ils auraient dû être réservés aux religieux, et que les laïcs n’aient accès qu’aux expériences plus douces qu’Ignace recommande pour les « simples et les rustiques » (le politiquement correct du 16 ème siècle est différent du nôtre). Ou bien le piège de ne pas relire : certains services décidés en assemblée sont interrompus sans évaluation : nous ne pouvons donc pas voir la présence de Dieu dans le chemin parcouru.
Enfin le piège de considérer la CVX comme un but et non un moyen que le Seigneur nous donne.
En conclusion, Magdalena a repris l’exemple d’Abraham qui 10 chapitres après son changement de nom gravit la montagne avec Isaac, prêt à tout donner, avec la confiance que Dieu pourvoira. Elle espère qu’à l’image d’Abraham notre CVX mondiale aura le désir de ce qui nous conduit davantage à Dieu et que celui-ci devienne progressivement pour nous le centre et le tout.
Après cet exposé très dense, l’ESDAC nous a proposé de prendre une heure de prière personnelle en relisant les événements qui ont marqué l’histoire de ma communauté nationale ou mondiale. Exercice donc difficile car pour relire il faut avoir vécu. Ce qui fait que nos partages en petit groupe étaient passionnants (comme souvent en CVX c’est le petit groupe qui a et donne le plus de goût), mais que nous étions assez en difficulté pour nommer un ou deux événements précis, avec une date. Il a pourtant fallu en nommer car le retour en grand groupe se faisait autour d’une frise.
Vous n’en voyez qu’un bout mais elle s’étend de 1948 à 2018 et reprend les grands événements de l’Eglise et de la CVX.
Ensuite chaque groupe a rapporté des événements le plus souvent en lien avec le géopolitique. Par exemple la division de la CVX du Sri Lanka en 1983, en deux communautés, pour des différences ethniques. Ou la réunification de la CVX allemande en 1991. Ou alors souligner les apports de certaines assemblées mondiales : par exemple le DESE en 2003 après l’assemblée à Nairobi.
Mais beaucoup de groupes ont aussi trouvé des événements récurrents dans la vie des communautés nationales. Par exemple les élections des Excos nationales (qui sont régulièrement l’occasion de crises diverses, puisqu’il y a du changement, pas forcément graves mais qui secouent). Tout ça a été écrit sur des papiers jaunes.
Enfin, nous avons à nouveau un temps de prière personnelle pour écouter les émotions que suscitent en moi ces événements rapportés, même si je ne les ai pas vécus personnellement. Chacun choisit un événement suscitant de la joie ou une autre émotion agréable et colle sur la frise un post it vert, et un rose pour un événement suscitant un sentiment plus pénible.
Sans surprise une multitude de vert ont entouré l’élection du pape François : beaucoup sont très heureux de cette impulsion qu’il donne à l’Eglise, de cet appel à aller aux périphéries. C’est l’image d’une communauté tournée vers l’avenir. Sans surprise non plus, beaucoup de rose autour du Sri Lanka et d’un événement nommé par une équipe : la division entre la CVX avec les jésuites estimée approximativement en 1979, ce qui va susciter beaucoup de réactions dans l’assemblée pour déplorer ce fait. A l’issue de ce grand groupe, beaucoup de gens, un peu émotionnés se tournent vers leurs assistants nationaux respectifs (pour nous donc Denis) : c’est quoi cette histoire de division ? Pour rappel nous avons un tiers de jésuites dans l’assemblée : la collaboration n’est donc pas si mauvaise a priori. Et certains jésuites âgés vont même voir leur confrère car eux non plus ne voient pas du tout de quoi il s’agit. Et en fait personne ne voit, tout le monde a une explication différente qu’on pourrait résumer à : pour certains le lien entre la CVX et les jésuites n’est pas toujours évident (des deux côtés) et ça touche peut-être plus certaines communautés locales ou nationales, et à certains moments, sans que cela ne soit ou n’ait été une tendance générale tant au niveau de la CVX que de la compagnie de Jesus. Et dans les années 70 il y a eu certainement plus de tensions à certains niveaux car les jésuites renonçaient à leurs prérogatives de direction pour se mettre au service de la CVX. Ne parlons pas de tempête dans un verre d’eau car pour les personnes qui les ont vécus, ces conflits semblent avoir été très douloureux. Cependant d’un point de vue mondial ces distensions ne reflètent heureusement pas toute la réalité, loin de là.
Bref je retiens de cet exercice qu’il s’agit justement d’un exercice, d’un média pour faire un récit commun qui n’a pas pour but de dégager la vérité historique mais de rassembler des témoignages et des points de vue divers des mouvements perçus de notre histoire mondiale. Ce récit a été surtout l’occasion de sonder les grandes motivations de l’Assemblée et c’est toujours rassurant de constater d’une part que nous avons un grand désir de nous tourner avec confiance vers l’avenir et que d’autre part la division nous désole. Enfin un autre effet indirect du récit est qu’en suscitant la curiosité il invite à aller vers l’autre et écouter son expérience.
Très bonne journée.
Fraternellement.
Constance